entre les lignes
lecture critique des ruralités wallonnes
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avant-propos
Commune de XXXX, procédure d’obtention de permis d’urbanisme, XX/XX/XXXX | Extrait de l’avis du fonctionnaire délégué : “Considérant par contre que la tôle prévue risque de provoquer des nuisances visuelles [...] Considérant que l’intégration de ce type de matériau contemporain est difficile dans un cadre bâti rural* .”[...] Le « cadre bâti rural ». Une notion absolue, atemporelle, anachronique, peut-elle être mobilisée comme fondement d’un argumentaire ? Que cache donc ce concept, qui se réfère plus précisément aux Zones d’Habitat à Caractère Rural du Code du Développement Territorial ? Quelle est cette idée abstraite et arbitraire sur laquelle s’appuient pourtant les différents niveaux de pouvoir et les administrations en Wallonie ? Peut-on lui donner corps, en saisir les fondements ? ENTRE LES LIGNES est un travail de recherche par la photographie, la cartographie et le dessin, sur ce que peut signifier le « cadre bâti rural » en Wallonie. D’une maison en briques sur une des jupes de la vallée de la Dyle à une ferme en pierre aux alentours de Dinant, en passant par une halle en tôle galvanisée dans les Hautes-Fagnes, cette recherche veut nommer, contextualiser et partager une partie de notre patrimoine paysager et architectural. En somme, l’objectif est de créer une base de données commune, afin de délimiter l’étendue du terme « cadre bâti rural » et, plus largement, la notion de ruralité, dans un contexte de crises économiques et écologiques. La ruralité telle que défendue aujourd’hui par les règlements urbanistiques et les divers codes en vigueur, semble naître de la filiation d’une interprétation contemporaine esthétisante d’un héritage vernaculaire. Or, le vernaculaire naît de la nécessité, il est lié à une géologie, à un climat, à des orientations et à la disponibilité de ressources et de moyens. Le vernaculaire est situé, il appartient à une géographie propre. Le concept de ruralité se trouve dans un plan de friction entre une notion romantique et régionaliste liée à un patrimoine bâti et paysager ; et une nécessité de subsistance qui a toujours été présente, mais qui prend des formes nouvelles face aux défis actuels. L’intuition naît alors de traiter la question d’une manière géographiquement tranchée. La vallée, comme figure territoriale cohésive, a la capacité de rendre lisible la multiplicité des entités propres qu’elle accueille. Il s’agit d’une ressource que nous mobilisons comme prisme de lecture du territoire wallon et qui sert à décoder les logiques à l’œuvre dans la ruralité. D’une part, la parcourir permet de faire surgir de l’amalgame contemporain de ses paysages et architectures, les éléments datant de l’Ancien Régime. D’autre part, de mettre en relief les transformations apportées par des événements majeurs comme la révolution industrielle, les guerres mondiales ou la crise pétrolière. En d’autres mots : la nature spécifique des sols des vallées joue un rôle clef dans l’apparition des traditions constructives originales. Ces dernières sont directement liées aux propriétés géologiques locales : le sol limoneux de la vallée de la Senne donne naissance aux constructions en maçonnerie de briques de terre cuite, tandis que le sol schisteux de la vallée de la Semois a permis d’habiller les toitures ardennaises d’ardoises. ENTRE LES LIGNES propose une observation critique, présentant les réalités des différentes régions naturelles wallonnes, sans se positionner en faveur de l’une ou l’autre stratégie d’aménagement paysager et urbanistique. Il n’a pour objectif, ni de défendre le maintien d’une forme d’ordre protectionniste d’un idéal régional, rustique et/ou nostalgique ; ni de promouvoir la rénovation et la modernisation du bâti rural par un traitement uniformisant et standardisé, suivant des logiques de marché néo-libérales. Il s’agit ici de mettre en lumière des ruralités qui se caractérisent, actuellement, par une tension entre ces héritages vernaculaires et ces pratiques contemporaines. L’analyse cartographique et sectionnelle des principales vallées et bassins versants belges soutenue par l’étude des typologies architecturales des bâtiments qui les peuplent et des techniques constructives qui façonnent localement ces architectures, met en lumière la pluralité de la ruralité. Sous quelles conditions et dans quels contextes est-il pertinent de parler de ruralité ? Est-ce lié à des conditions intrinsèques ou conjoncturelles ? La réalité est souvent plus complexe que l’on voudrait bien l’entendre. Il s’agit de lire entre les lignes, de crête et de fond de vallée, ce que représente cette ruralité actuelle. Par l’arpentage de ces vallées au cours de l’année 2024, ce travail rend compte d’une sélection de thèmes transversaux qui pour chacun révèle une constellation de sujets. Les thèmes ne sont pas étanches, ils se recoupent, s’enchevêtrent et apportent des lectures particulières sur un sujet commun. L’enjeu n’est pas d’être exhaustifs, à la manière des cartographes s’épuisant à représenter le monde à échelle 1 :1, dépeints par l’écrivain J.L. Borges dans “De la Rigueur de la Science”. Il s’agit plutôt de rendre compte, par le biais d’échantillons de vallées et des réalités de terrain, de la diversité et des problématiques que soulèvent les zones rurales wallonnes. L’espoir que nous portons avec cette démarche, est d’encourager une véritable discussion autour de la notion de ruralité, actuellement difficile à cerner et pourtant contraignante dans les règlements et codes, ce qui compromet l’avenir de l’architecture et, surtout, le développement de la Wallonie.
* Le « cadre bâti rural » fait référence aux prescriptions prévues pour les Zones d'Habitat à Caractère Rural en Wallonie. Il s'agit d'une catégorie de zonage spécifique inscrite dans le Plan de Secteur qui permet d'encadrer l'aménagement et la construction dans certaines zones rurales. La ZHCR vise à concilier la nécessité de permettre une certaine urbanisation tout en préservant le caractère rural et les paysages des villages et zones rurales. Dans le CoDT, Art. D.II.25. La Zone d’Habitat à Caractère Rural (ZHCR) est principalement destinée à la résidence et aux exploitations agricoles ainsi qu’à leurs activités de diversification déterminées par le Gouvernement en application de l’article D.II.36, § 3. Les activités d’artisanat, de service, de distribution, de recherche ou de petite industrie, les établissements socioculturels, les constructions et aménagements de services publics et d’équipements communautaires de même que les équipements touristiques ou récréatifs peuvent également y être autorisés pour autant qu’ils ne mettent pas en péril la destination principale de la zone et qu’ils soient compatibles avec le voisinage. Encadrement réglementaire : comme pour les autres zones d'habitat définies dans le Plan de Secteur, toute construction en ZHCR est soumise aux règles définies par le Code Wallon du Développement Territorial (CoDT) et aux éventuels Règlements Communaux d’Urbanisme (RCU). En fonction des caractéristiques locales, des études d'incidences sur l’environnement ou des critères d’intégration spécifiques peuvent être exigés avant l’octroi d’un permis de bâtir.
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positions
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La position des bâtiments au sein de systèmes géographiques et leur rapport au paysage se déclinent sous de nombreuses formes : l’abri vis-à-vis des éléments, la proximité fonctionnelle, la réclusion, la densité, le surplomb sur le paysage et l’intégration sont pris en compte lors d’une édification. Les édifices trouvent des positions particulières, en intégration ou en rupture avec les conditions paysagères et topographiques présentes. Alors que les plaines des bas-plateaux hennuyers sont constellées de fermes en carré traditionnelles et que la vallée de la Semois abrite des moulins et des séchoirs de tabac ; les constructions plus récentes, d’après-guerre et contemporaines, ignorent habituellement les logiques géographiques autres que l’orientation, et naissent plutôt d’opportunités foncières, étrangères à toute territorialité. En d’autres mots, les fonctions historiques sont généralement situées, c’est-à-dire, disposées suivant une logique entretenant des rapports explicites avec les conditions paysagères qui les accueillent et les besoins qui sous-tendent leur bon fonctionnement. Se distinguent dès lors deux grandes familles, une première architecture située dans son contexte (pour la plupart traditionnelle) et une deuxième où les nouvelles constructions (après la deuxième guerre mondiale) s’établissent suivant des logiques externes au territoire lui-même. Ces dernières naissent plutôt d’opportunités financières soutenues par des plans de secteurs généreux en zones à bâtir. Ce détachement des logiques topographiques et géologiques auxquelles elles appartiennent nous interroge sous forme d’enjeux clefs contemporains, tels que : a. L’imperméabilisation des sols, amplifiant les risques d’inondations et réduisant la capacité des terres à absorber naturellement les eaux pluviales. b. La fragmentation écologique, où l’urbanisation incontrôlée perturbe les corridors naturels nécessaires à la faune et à la flore. c. La dépendance énergétique accrue, avec des implantations parfois éloignées des infrastructures existantes, augmentant les besoins en transport et en distribution des ressources. d. La déperdition de terres agricoles, sacrifiées à des zones résidentielles ou commerciales, fragilisant les systèmes alimentaires locaux. e. Le recul de la biodiversité, en raison d’aménagements qui uniformisent les paysages et éliminent des écosystèmes uniques. f. La perte d’identité culturelle et architecturale, où des constructions standardisées effacent les singularités vernaculaires d’un territoire. g. L’augmentation des coûts d’entretien des infrastructures, qui se complexifient à mesure que l’urbanisation s’éloigne des centres existants et se disperse dans des zones peu denses. h. L’isolement social, notamment dans les zones périurbaines et rurales où l’étalement compromet l’accès aux services de base et aux lieux de sociabilité.
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cohabitations
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La représentation idyllique d’une ruralité constituée de champs, de fermes et de petits villages, où chaque clocher d’église est visible depuis celui du village voisin, est constamment remise en question lors de cet arpentage. Les contrastes apparaissent rapidement et mettent en lumière des réalités plus nuancées. Ces ruptures s’expriment sous plusieurs formes dans un espace souvent très restreint. Qu’il s’agisse des usages, des matérialités, des temporalités ou des échelles. Les juxtapositions en face à face sont frappantes, une petite chapelle du XVIIIème siècle au pied d’une source d’eau, surplombée en arrière-plan par deux silos d’une usine sucrière qui dépassent largement la flèche de l’église du village ; un corps de bâti du XIXème enjambé par un viaduc d’autoroute ; ou un quartier pavillonnaire sous le regard de l’ascenseur à bateaux de Strépy-Thieu sont des exemples particulièrement éloquents de ces vis-à-vis existants dans les milieux ruraux. Ces contrastes, tantôt des accidents, tantôt des impositions, deviennent des événements qui finissent par faire identité et constituent l’essence du lieu, en enrichissant l’expérience au sein du cadre bâti. La fragmentation et la diversité d’affectation des plans de secteur en Belgique, créent un cadre légal dans lequel se développe une forte densité de fonctions sur un même espace restreint de territoire. La Wallonie est traversée par des infrastructures et structures opérant à divers niveaux politiques allant de l’échelle internationale à la communale (repris également dans le titre GÉOGRAPHIES. Un exemple remarquable sont les alentours de la commune de Maubray (qui est principalement une Zone d’Habitat à Caractère Rural, où l’on retrouve , entre autres, la ligne de TGV Paris-Bruxelles, le canal Blaton, l’E42 et un peu plus loin les carrières d’Antoing.
transects
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Le processus et la méthodologie engagés dans ce projet de recherche ne sont pas ceux d’un état des lieux, mais bien de mise en lumière de potentialités, de trouvailles impromptues, de tensions existantes, de structures sous-jacentes, de lectures transversales de ce que représente la ruralité contemporaine. La recherche a été menée au moyen d’arpentages le long des routes de la Wallonie, entre les lignes de crête et de fond de vallée. Une structure-ressource qui est ici mobilisée comme prisme de lecture du territoire wallon et qui sert à révéler les logiques à l’œuvre derrière la notion de ruralité. Lors de ces trajets à travers le territoire wallon, la photographie est utilisée comme outil de captation et d’archivage du territoire. Le processus souple fait place à la sérendipité, la balade aléatoire, au regard curieux, à la découverte au détour d’une conversation. Le tracé de ces itinéraires s’est appuyé, dans un premier temps, sur les principaux cours d’eau, suivant dans la plupart des cas, des directions Est-Ouest ou Nord-Sud. Dans un second temps, lors de l’arpentage du territoire, une approche flexible a permis des écarts spontanés, motivés par l’absence de route, l’attrait vers un élément singulier ou le contournement nécessaire d’un accident géographique, tout en conservant le cap initialement défini sur la carte. Cette recherche sur l’architecture rurale, et sur le cadre bâti rural de manière plus générale, est menée à l’aide d’outils visuels, permettant de restituer la ruralité à travers l’image et sa représentation architecturale : 1. La photographie : le double regard d’Arthur Stache et Tomás Barberá Ramallo. 2. Le scan 3D LiDAR : l’imagerie laser est un des outils privilégiés dans cette recherche, en vue de restituer principalement des surfaces de bâtiments. Ces surfaces témoignent souvent d’une des notions développées dans la constellation d’idées et de thèmes du projet, le palimpseste. 3. La vidéo : la ‘dashcam’ permet de sauvegarder les trajets et de restituer deux aspects intéressants de voyage : a. D’une part, un enregistrement vidéo des traversées des vallées, avec les lignes de crêtes et les fonds de vallée et les transitions entre celles-ci. b. D’autre part, les potentiels oublis ou éléments passés inaperçus lors de visionnage à travers l’écran de la voiture.
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héritages
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Qu’il soit agricole, religieux, industriel ou anonyme, l’héritage bâti est omniprésent. Il s’incarne à la fois dans des formes archétypales, comme l’église, la ferme en carré, le château, la chapelle, mais se constitue aussi d’édifices et d’artéfacts plus modestes. Cet héritage est le témoin vivant des logiques énoncées en partie dans le titre POSITIONS et permet la plupart du temps de lire sur sa surface les différentes époques qu’il a connues. Il est également le témoin des nombreux changements de régime et de pouvoirs qui se sont succédés sur le territoire belge actuel. Les photos et notamment les scans 3D réalisés au cours des traversées témoignent de l’évolution des bâtiments et des modifications qu’ils ont subis. Lorsqu’on l’observe à l’échelle de plusieurs décennies, sur 20-50-100 ans, la maçonnerie portante fait du bâtiment un corps en perpétuelle transformation. Des baies ont été ouvertes, d’autres rebouchées, les couleurs et types de maçonneries, les techniques constructives se diversifient. D’anciens murs de fermes partiellement en ruines sont prolongés en ossatures métalliques recouvertes de tôle. Il s’agit d’une réelle chirurgie qui apparaît à l’observateur comme un palimpseste de textures et couleurs. La rénovation et transformation représentent une chance de revaloriser un patrimoine existant, de construire de l’édifice sur de l’édifice, d’amener de la densité dans des territoires souvent caractérisés par un fort étalement. La ruine n’est alors plus un laissé-pour-compte, mais une occasion de tisser du lien entre des matérialités existantes et des usages futurs.
mediation
A l'issue de la recherche et en paralelle de ce site web, une publication est éditée et tirée en 1000 exemplaires. Celle-ci est un échantillon de 36 pages qui permet de restituer les thèmes centraux de ce projet de recherche :
TRANSECTS – POSITIONS – COHABITATIONS – HÉRITAGES – ARTICULATIONS – GÉOGRAPHIES – COMPOSITIONS – RENOUVELLEMENTS.
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36 pages
format livret : 125 x 250 mm (fermé) ; 250 x 250 mm (ouvert)
format poster : 118 x 250 mm (plié) ; 708 x 500 mm (déplié)
format 3x cartes postales : 105 x 148 mm
impression quadrichromie
livret agraphé
1000 exemplaires
ISBN 978-2-9603109-3-1
Bruxelles
Langue : Français
articulations & agrégats
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L’évolution organique des bâtiments telle qu’illustrée dans le titre POSITIONS crée des articulations singulières. Celles-ci sont des anecdotes à comprendre dans un tissu de traditions constructives et dans des processus de médiation avec les conditions adjacentes. Les édifices se rencontrent, se superposent, s’additionnent ou s’enchevêtrent. Au fil du temps, une suture se réalise entre le neuf et l’ancien. Ces jonctions clefs questionnent les limites, les relations au voisinage, les rencontres de matérialités. Elles transforment les réalités fonctionnelles et matérielles en jeux formels. Les matérialités deviennent ici le témoin de la mutation. Traditionnellement, ces articulations expriment souvent un bon sens parfois ‘naïf’ de la construction. Mais elles mettent toujours parcimonieusement en œuvre la matière. L’économie de moyens, l’efficacité et l’usage de matériaux facilement accessibles font l’essence même de ces nœuds constructifs. Figures typiques de palimpseste, ces édifices aux volumétries souvent simples, mutent organiquement par ajout d’annexes, par modification de baies, par renouvellement de parement, par remplacement de couvertures. La logique de proche en proche, de la résolution locale prend le dessus sur des enjeux de projet global. Les processus de réparation, d’entretien et de conservation des structures existantes sont préférés à la démolition-reconstruction. Les structures sont conservées, d’autant plus lorsqu’elles sont faites de matériaux durables. La brique, la pierre, le bois sont facilement conservés, réemployés et participent à cette production des édifices par l’addition. Les matérialités conservées, recyclées et nouvellement mises en œuvre forment un tableau complexe et riche.
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géographies
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Les géographies habitées sont à la fois cadres de vie et moyens de subsistance. Les territoires se déclinent selon différents types de sols et niveaux de densité végétale, ainsi que par l’intensité des activités agricoles et l’intervention humaine dans la gestion des paysages. Ces configurations donnent lieu à des ensembles identifiables : forêts, champs, prés, zones humides, domaines ou réserves. Cette proximité du paysage nourrit d’ailleurs l’intensification des constructions d’habitations individuelles de type pavillonnaire et/ou villa. Mais les territoires ruraux sont aussi ceux de la production agricole, sylvicole et lieu d’activités d’extraction de matières premières minérales. Ce sont particulièrement elles qui donnent substance aux architectures qui peuplent les vallées wallonnes. Le TRANSECT nord-sud illustre, de manière très explicite, les spécificités des sols wallons : ceux riches en argile de la vallée de la Senne, propices à la mise en œuvre de briques de terre cuite, et ceux du sillon de la Sambre et du Viroin, favorisant l’usage du grès et du calcaire. Ces géographies s’expriment donc jusque dans les matières de ces architectures traditionnelles littéralement sorties de terre. Ces géographies s’expriment également par les choix d’exploitation au courant des siècles. Le travail des champs, la sylviculture, les carrières ou les mines ont laissé des cicatrices qui déterminent le paysage aujourd’hui et lui octroient une identité propre. L’architecture rurale de l’Ancien Régime côtoie des constructions issues de la révolution industrielle ou des infrastructures supranationales, telles que les autoroutes européennes ou les aéroports comme en témoigne le titre COHABITATIONS. Il s’agit de la matérialisation des différents niveaux de pouvoir au cours de l’histoire. Les anciens systèmes de balises territoriales qui pourraient remonter de manière théorique aux alignements de Werris ou les Tumulis de la zone Hannut-Waremme, sont plus évidents lorsque l’on traverse les plaines hennuyères ou hesbignonnes et que l’on aperçoit, depuis le clocher du village où l’on se trouve, le suivant. Mais à ce système construit au cours des siècles, viennent s’ajouter des balises autonomes appartenant à une échelle supérieure telle que les châteaux d’eau, les silos, le plan incliné de Ronquières, les cimenteries, les terrils, les éoliennes et l’antenne militaire de Baraque de Fraiture.
chapelles, potales, calvaires
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compositions
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Dans l’exercice d’analyse des thèmes ARTICULATIONS et AGRÉGATS, émerge le thème de la composition. Que les bâtisses en question aient été conçues par un architecte ou non, les logiques de composition se retrouvent à travers plusieurs échelles : 1. Les villages et autres petits noyaux d’activité s’agencent la plupart du temps autour d’une place ou le long d’une chaussée les reliant à deux autres pôles plus importants. Ces espaces se caractérisent par la présence d’un monument, une église, ainsi que d’autres bâtiments institutionnels. Leur dessin organique répond d’une part à la morphologie du sol, et d’autre part à l’évolution et le partitionnement cadastral au fil des siècles. 2. Les bâtiments vernaculaires répondent quant à eux à des considérations de nature de sol, mais aussi au découpage des parcelles, et à des typologies qui se sont transmises de génération en génération, influencées par les autres bâtiments aux alentours, mais aussi par les abbayes. Ces dernières ont joué un rôle majeur dans le façonnement de l’architecture régionale, influençant les styles et les techniques de construction. A l’échelle du bâtiment, les murs pignons apparaissent comme des sujets d’étude par excellence, permettant de dévoiler les considérations de composition. Souvent à la fois manifestes et banaux, ils mettent en forme des principes simples de composition, tout en offrant une expression unique. Axe, travée, alignement, gabarit, rythme, proportion sont autant de thématiques explorées dans leur expression plastique qui se donne à voir depuis l’espace public. On remarque des compositions issues des besoins internes du bâti, guidées par la connaissance, par l’expérience et le savoir local, ce que Bernard Rudofsky appelle “Architecture sans architectes”. Le pignon est décliné selon les régions. En vallée de la Senne le pignon en brique présente un contrefort central important, en Hesbaye, il est constitué d’un soubassement en pierre. Les ouvertures ajoutées au fil du temps créent une composition géométrique non tramée. Elle pourrait être catégorisée d’aléatoire, mais son dessin en pleins et vides révèle des rapports d’équilibre et de hiérarchie souvent harmonieux par leur réponse à des nécessités intrinsèques. Dans ce même registre d’observation, des bâtiments anodins, banaux, ordinaires tels que les halles agricoles ou industrielles plus contemporaines, présentent quant à eux, une trame structurelle et une composition rythmée par un ordre régulier. Cette trame s’exprimant également en façade est régie par des logiques internes d’usage, d’économie de matière et de résistance en termes de stabilité. La composition de manière générale, témoigne des besoins et de la logique économique derrière l’architecture au travers des différentes époques qu’a connu un bâtiment.
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renouvellements
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Les crises successives nous demandent de reconsidérer nos modes d’habiter. Les changements climatiques entraînent des vagues de chaleur, nécessitant des solutions de refroidissement. Par ailleurs, l’isolation thermique inadéquate de nombreux bâtiments anciens accentue la dépendance énergétique, augmentant les coûts et l’empreinte carbone. Pour y pallier, la rénovation énergétique des bâtiments existants, notamment par l’installation d’une isolation performante et de systèmes de chauffage plus durables, semble une priorité. Cependant, ces rénovations énergétiques soulèvent des questions complexes, notamment sur l’impact de l’isolation sur l’expression des matériaux de façades : a. Si l’on entend que des édifices ruraux vernaculaires sont bâtis en pierre, y a-t-il un sens à construire un double mur isolé où la pierre, autrefois structurelle, se voit reléguée en simple façade d’apparat ? Y a-t-il du sens à bâtir un mur composé d’une paroi portante en blocs de béton, un isolant et une pierre ou briquette de parement ? Ou doit-on consentir à voir d’autres matériaux constituer la peau des édifices ? b. Les matériaux aujourd’hui majoritaires dans le milieu de la construction, ne posent-ils pas un problème de dépendance économique vis-à-vis de pays exportateurs de produits tels que le XPS, EPS, etc, (sans parler de l’empreinte carbone de ceux-ci). Ne privilégierions-nous pas plutôt une production de matériaux de construction de proximité permettant d’activer une économie nationale et de retrouver un des principes fondateurs du rural traditionnel : le local ? c. La ruralité fait appel au bon sens, à l’optimisation savante, transmise de génération en génération, de techniques empiriques permettant le confort et l’économie de moyens. L’installation d’échangeurs doubles flux, de systèmes de ventilation high tech ou de panneaux solaires importées, n’iraient pas à l’encontre de systèmes plus low-tech permettant d’atteindre un même niveau de confort ? d. La PEB et les primes à la rénovation en vigueur, actuellement, n’induiraient-elles pas à la mise en œuvre de choix hâtifs et inadaptés lors des rénovations ? e. Certains choix de techniques de construction telles que des produits étanches, non-perspirants, artificiels ou sensibles à l’humidité ne risqueraient-ils pas de mettre à mal le bâtiment sur un moyen et/ou long terme ?
ENTRE LES LIGNES est un projet de recherche dans le cadre du LABEL (Cellule Architecture & ICA) qui a été mené par Tomás Barberá Ramallo et Arthur Stache au cours de l’année 2024. La subvention LABEL (Cellule Architecture & ICA) soutient la recherche par le projet et la recherche-action afin de susciter la réflexion sur l’environnement bâti et non-bâti et de contribuer au développement de sa culture en Fédération Wallonie-Bruxelles.
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Projet dans le cadre de la bourse de recherche LABEL
Avec le soutient de la Cellule-Archi & ICA-WB
Tous droits réservés Tomás BARBERÁ RAMALLO & Arthur STACHE
Paper Menhirs - 2025
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